L'essence de l'homme, mélange d'eau et de fixateur, s'écoule dans un bocal de verre... A l'instar d'Alain Fleischer, son maître en sensibilité, Jean Cérézal-Callizo saisit des moments d'irréel pour mieux situer chacun au coeur de sa propre chronologie, de la naissance à la mort, espace temps adéquat pour s'interroger avec pertinence sur les mystères de l'univers. En un exode d'expérimentations jubilatoires, l'artiste explore les territoires de l'image du connu vers l'inconnu, du socle solide aux marges aventureuses, des classiques tirages noirs et blancs sur papier à l'émulsion liquide sur verre ou sur toile, des installations photographiques aux performances vidéo... Jusqu'à s'évanouir parfois dans la peinture. Indépendamment du médium, il exulte dans l'acte créatif, s'exalte dans le faire, s'engouffre entièrement dans les dimensions parallèles par lui révélées, s'exclut au point de ne plus être, pour mieux délivrer dans la spontanéité d'un seul mouvement une expression directe, totale, pure, libérée de toute tentative même involontaire d'esthétisation. Néanmoins, la caméra lui offre l'opportunité de s'échapper de l'objet plan, figé ou narratif, seule limite, à ses yeux, imposée par la photographie, pour transcrire sur un bloc-notes plus précis, ses commentaires, son appréhension de la marche du monde.

Inscrit dans une série, Retrato 3 relève du portrait. A l'origine, le portrait métaphysique d'un échec générateur de désespoir. Au final, le portrait d'une renaissance annonciatrice d'un relatif espoir. En une pluie ininterrompue, légèrement ralentie, rythmée par une musique électronique, des gouttes de sperme projetées pénètrent l'eau assombrie d'une carafe sphérique, utérus vide de tout ovule, métaphore de l'infécondité. Très rapidement se dessinent cependant des méduses. Génération spontanée, les microorganismes prennent corps. Certains, trop faibles, s'échouent au fond de la matrice de verre. D'autres produisent des bulles. D'autres enfin remontent à la surface, animés par la nécessité ou l'envie de respirer. A la grande surprise de l'artiste, l'oeuvre pensée comme l'illustration d'un manquement à la reproduction s'émancipe pour s'affirmer symbole de création, de la création artistique mais essentiellement de la Création, l'apparition de la vie. " La vie, c'est la matière, le mouvement, le vide. Filmer la vie, c'est filmer la naissance, l'évolution, la mort. " Ses travaux s'ordonnent autour de cette pierre angulaire à trois faces création/développement/disparition. Souvent, Jean Cérézal-Callizo sacralise l'ultime moment précédant la transformation finale. Au contraire, avec Retrato 3, il s'approche au plus prêt du premier acte. La sensation positive s'interrompt malheureusement très rapidement. Brutale, l'évidence s'impose. En permanence interpellé par les questions d'économie, de droits de l'homme ou d'écologie, le plasticien en quête de perfection invente des nouveaux mondes car il s'inquiète de l'avenir d'une planète trop imparfaite. Sa réponse envahit l'écran, cinglante. " Le vivant, au sens cellulaire, a des chances de survivre quand disparaîtra le peuple des humains. " Son art s'accomplit alors pleinement dans une recréation née de la contemplation, la méditation puis la dénonciation. L'art philosophique et politique d'un homme obnubilé par la vie. La vie physique. La vie spirituelle. Le sens de la vie. Sa poésie et son chaos. Ecce homo.

Eric Fayet

 

A l’instar d’Alain Fleischer, son maître en sensibilité, Jean Cerezal-Callizo saisit des moments d’irréel pour mieux situer chacun au cœur de sa propre chronologie, de la naissance à la mort, espace temps adéquat pour s’interroger avec pertinence sur les mystères de l’univers.
 
En un exode d’expérimentations jubilatoires, l’artiste explore les territoires de l’image du connu vers l’inconnu, du socle solide aux marges aventureuses, des classiques tirages noirs et blancs sur papier à l’émulsion liquide sur verre ou sur toile, des installations photographiques, sonores, aux performances vidéo... Jusqu’à s’évanouir parfois dans la peinture.
 
Indépendamment du médium, il exulte dans l’acte créatif, s’exalte dans le faire, s’engouffre entièrement dans les dimensions parallèles par lui révélées, s’exclut au point de ne plus être, pour mieux délivrer dans la spontanéité d’un seul mouvement une expression directe, totale, pure.
 
Son art s’accomplit alors pleinement dans une recréation née de la contemplation et de la méditation. L’art philosophique et politique d’un homme obnubilé par la vie.
 
La vie physique. La vie spirituelle. Le sens de la vie. Sa poésie et son chaos.

                                                                                               Eric Fayet.

 

 

La lecture d’une image de J. Cérézal-Callizo, comme d’autres du domaine de l’abstrait, nécessite de prendre du temps.
L’épreuve contemplative de Cérézal-Callizo fait participer le spectateur curieux à un mystère. L’impression d’un temps suspendu se mêle à l’attente d’une révélation à venir. Mais quelle est donc cette chose qu’on tente de nommer, dont on constate la présence ? La sensation d’étrangeté, que procure ce nuage lorsque l’apparente humanité se confond en particules d’hémoglobine suspendues, met le spectateur face à l’émergence d’un monde.

Par définition, l’acte photographique fige un instant en un lieu donné. En 1816, Nicéphore Niepce , au moment de sa géniale invention, ne se doutait pas de l’important portail de réflexions spirituelles que cela pourrait également devenir. Produit du travail de l’artiste, la photographie, comme preuve de l’existence d’une chose passée dans la réalité, image témoignage, traite de la représentation du temps.
De l’artiste lui-même : « l’être est un état passager de la matière. Avant il y avait le feu, après la dissémination. La matière n’est que le support fragile de l’âme ». Et Cérézal-Callizo d’expliquer, par cette métaphore, la naissance de l’être humain par accrétion de poussières dans l’absolu, avant de retourner à cet état par dissipation, comme l’énonce la loi de Lavoisier, où tout ensemble d’unité protéiforme se transforme.
L’éphémère prend alors toute sa dimension par ce travail de mise en lumière et de macroscopie sur le cycle d’un entre-deux-mondes. Le temps est relatif et inséparable de l’espace et de la matière, selon Einstein. En pratique, ce sont nos différences de perception qui nous aident à matérialiser ces états de notre invisible destin.
Chez Sarah Moon, la fugacité des images porte l’interrogation sur ce qui nous emprisonne et nous fascine, dans un présent empreint de passé, et où le passé sert de miroir à l’avenir. Dans le travail de Laurence Demaison, il est aussi question de la véracité de ce que nous croyons être aux yeux du monde. L’autoportraitiste française, comme notre artiste, montre le résultat de jeux d’expérimentations entre théâtre d’ombres et phase transcriptrice d’un for intérieur en perpétuelle redécouverte. Cérézal-Callizo, en quête de vérité, comme le chercheur et le penseur, offre de rares phénomènes, soumis à l’élévation spirituelle de chacun. En cela, il évite d’intituler ses photographies, ce qui orienterait inévitablement le spectateur ou dénaturerait sa pensée par une expression redondante à l’illustration. La pauvreté documentaire de l’image, voire la pureté de l’absence d’information, se prête à la rêverie philosophique, quasi scientifique.
L’artiste en état de recherche, tel l’explorateur qui, au retour de lointaines contrées, ouvre son carnet de voyage poursuit son œuvre par une somme d’expérimentations introspectives passant par la photographie de poussières.
Aujourd’hui il réalise des toiles mêlant des techniques mixtes de peinture et des procédés photographiques, sublimées lors d’expositions par des « espaces-temps sonore », enregistrements spécifiques à l’ambiance voulue.
L’expérimentation étant à son paroxysme, seul le spectateur est désormais maître de révéler le secret que réserve l’artiste, à qui se donne le plaisir de le percevoir.

                                                                         Cécile Quintin, C.D.E.E.

 

 

Écrivain de lumière
Originaire d’Issoire, c’est en Auvergne que Jean Cerezal-Callizo plante son quartier général, son « quartier familial ». Là où grandissent ses enfants, où d’ailleurs l’aventure photographique commence. À la naissance de Pierre, son fils aîné, il saisit l’appareil photo, d’instinct,  pour  mieux le voir, et observer autrement ce qui l’entoure. « Je vivais ce moment de la naissance, dit-il, comme une pause dans le cinéma de la vie. M’approcher, le photographier, c’était bien-sûr le voir de plus près, mais c’était pour moi la sensation de me sentir différent dans cette course du temps. Les images de mon fils étaient comme les extraits de la pellicule d’un film, comme une image, découpée au cœur de ces 24 images par seconde. Une image, une seule, mais qui capture le temps. » Lorsque Jean Cerezal-Callizo avait six ans, il s’amusait à glisser son œil dans un de ces appareils rudimentaires, boîte noire et lentille simple, et réalisait déjà ces premiers clichés. C’était une forme de jeu, tous les enfants connaissent. Mais lui se souvient de cette expérience comme fondatrice. Les images de son petit garçon, la lui rappellent… et provoquent un changement de cap.
En 1993, il rejoint une école de photographie publicitaire à Cahors (l’ICPA). « C’était à mon avis, la formation technique la plus complète », nous confie-t-il. Mais, c’est hors des studios que la photographie l’intéresse. La réalité l’intrigue et amuse son appareil – « Toute chose de la vie a son importance ». Il cherche alors la manière de la révéler. Ces premiers objets d’études sont très proches de lui et font penser à l’enfant qui entrevoit le jour. Découvrir la lumière et jouer avec. Ces travaux de recherche le conduiront à regarder son corps, de près ; de si près qu’il en produira une série de macro, en noir et blanc, poétique, abstraite. Les détails de ces corps brisent les frontières des représentations. Peau d’homme ou pubis féminin, charnelle ou non, mais sensuelle, floue, nette, sombre ou pure… on ne sait pas, l’image n’atteste rien, joue de notre imagination, et cherche notre intérêt. 
Plus tard, des poignées de sable jetées au ciel. Fond bleu, lumineux, des lancées de poussières jaunes et ocres. L’enfant grandit, et ne rit plus seulement de lire des histoires dans les nuages qui flottent. Il propulse du sol des nuées granuleuses. Le sable succombe à l’apesanteur, lui s’évanouit. Mais l’appareil a capturé la forme, l’objet, l’animal. Le spectateur joue aussi, il devine. Là encore, le photographe s’exerce à décomposer l’action, le cliché n’est qu’un instant d’une séquence. Le reste – le début et la fin du mouvement –, existe dans notre esprit, il suffit à l’artiste de nous le suggérer.
La photographie ne sera plus qu’un prétexte. Œil alerte, le langage est maintenant acquis, il faut explorer de nouveaux cadres. Le parcours artistique de Jean Cerezal-Callizo déploie, depuis une dizaine d’années, des rencontres avec d’autres formes d’expression qui ne limitent plus son propos au champ de la photographie exclusivement. De la peinture aux outils numériques, ses images se déclinent et se développent sur des formats plus variés. Les sujets se succèdent, les supports se transforment, les techniques se répondent… le cheminement de son œuvre est jalonné de révolutions. La  continuité formelle n’est pas évidente, on pourrait croire en des ruptures, qui s’enchaînent. C’est une volonté filée : « Je cherche dans chaque démarche de création à trouver une nouvelle naissance. »
Invité en résidence de création en Allier, participant en 2009 au  projet national « Écritures de Lumière », il s’établira 8 semaines au Lycée Agricole Tourret (Neuvy 03). Le lieu est insolite. Vivre, nuit et jour, dans une école… Les rencontres riches et les échanges improbables naissent avec les adolescents. Il transmet, s’inspire, s’imprègne, révèle. Photographe, Jean Cerezal-Callizo écrit de lumières. Il est artiste par ce qu’il donne à voir, à vivre. Il incarne auprès des jeunes une fonction essentielle de l’art, rassembler. 
                                                                                Matthieu Prévost

 

 

 

Projection. Fixe ou en mouvement, l’image projetée se révèle sur le pigment jaune préalablement étalé sur la toile puis recouvert d’émulsion photographique. Réaction. Victime du subtil jeu fixateur/révélateur, elle réagit, touchée par la lumière, pour ne laisser d’elle qu’un souvenir familier, une trace de vie, la rémanence de ce qui fut, l’ébauche du devenir.
Abstraction. La précision figurative cède. L’abstraction surgit. Une abstraction feinte.
Dans la noirceur absolue - le noir de la souffrance, le jaune émerge, sauvegarde de l’espoir, lueur dense d’une émotion sans retenue. Avec cette nouvelle série de tirages, plus qu’une continuité, un aboutissement, Jean Cérézal-Callizo poursuit son exploration des territoires de l’image.

Depuis longtemps, il a quitté les rivages rassurants de la photographie « classique » pour, tel Alain Fleischer, son mentor en sensibilité, cartographier les frontières les plus aventureuses. Formes et dominances naissent ici d’un mélange fixateur/révélateur empirique, aléatoire, finalement organisées comme par magie ou intervention divine… Les images initiales, capitales, issues d’albums d’ancêtres ou de films familiaux, s’estompent, disparaissent, se transforment différemment selon la durée d’immersion dans le bain, la solarisation, les flammes ou l’intervention toujours minimale mais frénétique de l’artiste qui évite l’écueil de l’exhibition tout en livrant au regard de l’autre ses « écorchures d’émulsions » les plus profondes.

Maître d’oeuvre abandonné par sa propre conscience, cet alchimiste avide de création exulte dans le faire, emporté par l’excitation, l’hypertension… Il crée, en transe, habité, animé par une force qui échappe à son contrôle, refusant la pensée afin « de se préserver de toute remontée de sens et de références. La spontanéité, seule, garantit la sincérité ». Il se perd alors pour mieux se retrouver dans un art jubilatoire où son geste de photographie picturale laisse s’exprimer librement la matière pour devenir expression pure de la matière. La matière dans son chaos le plus vrai. Cette matière, c’est le monde, son origine, son devenir. Mais aussi et peut-être avant tout l’homme. De la matière d’homme. Ainsi chaque pièce peut-elle être vécue par qui tente de la pénétrer comme la sensation d’un saut dans le vide, ou plus exactement « d’un plongeon dans la résurrection, dans une renaissance nécessaire à l'accomplissement transformatoire du devenir, de ce qui va être, de nous comme du reste. C’est ce que nous serons lorsque nous ne serons plus et notre propre matière continuera à participer à la vie. »

Dans cette filiation perpétuelle de l’humanité, une figure s’impose, sans
cesse, obsessionnelle : le Christ. Jésus-Christ, « modèle idéal de relation humaine » mais aussi symbole de résurrection.
Aussi Jean Cérézal-Callizo offre-t-il à percevoir un état transitoire d’après la mort, une réalité de l’homme, un lien cosmique. Figuration d’une vérité sinon de l’ultime vérité.
Sa quête existentielle du sens de la vie, physique et spirituelle, le guide peu à peu vers une harmonie vitale et christique. Conquise pied à pied, elle s’accomplit au fil de l’oeuvre. Et, mu par la force de cet équilibre véritable nouvellement atteint, le photographe transcende la photographie en une peinture de l’âme. La révélation devient Révélation.
                              
                                                            Eric Fayet

 

Jean Cerezal-Callizo pratique l'autoportrait. Il se définit comme un univers où chaque partie cache une vision qu'il lui faut extraire. Jeu de formes et de lumières. Chaque cadrage dévoile l'insoupçonnée. Planète sereine dans la lumière d'une nuit intime. Corps surpris à exprimer l'au-delà, l'autre aussi. La forme est féminine, révélée par un corps qui ne l'est pas. La vision est sexuée, certes, mais va bien au-delà. 
Jean Cerezal-Callizo nous montre le désir de concevoir toute genèse dans cet absolu qui nous trouble. Dans la lumière d'un univers qui s'appréhende sous un nouveau printemps 

                                                            Guy Jouaville