1976 sans doute

J'ai commencé à l'âge de huit ans ; ou dix ans, je ne sais plus...
Un Polaroïd dont le déclencheur permettait de faire la mise au point et l'exposition en le tournant et en le tenant serré entre mes doigts si fort que je n'y arrivais pas vraiment ou qu'alors j'en tremblai pour la deuxième fonction avant d'enfin pouvoir le presser.
Je me souviens d'images claires, foncées, brillantes sous le plastique dans un carré blanc... de Papi, Mamie, Maman, Marc, Papa, de la mer et du sable. Tout le monde pose debout, la foto est officielle puisque c'est junior qui la fait. Je me souviens de Vichy.
Je me souviens de ce bout de plastique divisé en lamelles, du noir de l'appareil, de la lumière autour, de la difficulté voire de l'impossibilité d'arriver à coller mon œil au viseur, en faisant tout ça. Je sens encore la sueur sous le soleil d'Espagne de ces moments immenses de pouvoir enfin arriver à faire une foto.


1967

J'ai commencé à l'âge de huit ans ; ou dix ans, je ne sais plus...
Peut-être avant sans m'en rendre compte en écoutant les premiers déclics qui montraient un machin chair vêtu de clair en grosse mailles de laine au fond d'un panier ou dans les bras de Papa et Maman sous le soleil allemand.


1980

Meeting aérien dans les Deux-Sèvres, des avions passent, le truc Kodak en plastoc entre les mains je presse sur le déclencheur devenu plat, ne me souciant que de la lumière et du mode paysage portrait de l'appareil. Je me fiche que les avions soient petits. Appuyer sur le déclencheur pour conserver un souvenir de ce auquel j'assiste s'impose sans doute.


1984

Paris, départ catastrophe de Paris.
Je m'enfuis une semaine avec l'appareil de Papa et une pellicule noir et blanc achetée dans le sud de la France en traversant un village pendant un périple en stop. Je commence à comprendre que ce que je photographie est important, tout autant que la manière de photographier.


1987

Rupture familiale à Gan, départ en stop, les Vosges je crois ; puis Clermont-Ferrand.  Les drapeaux en septembre, Noël en décembre.
Noël Papa Maman, le poste de garde, je suis en militaire, oui et non, en tout cas en survêt bleu, l'appareil foto, cadeau de Noël.


1988

Je photographie les instances de la mise à outrance sous le régime autoritaire parfaitement supportable d'un gendarme auxiliaire dans un peloton de montagne entouré de compagnons au moins tout autant outranciers, supportables et agréables.


1991

Pierre naît.
Toujours avec le même appareil, sans zoom et avec une distance minimale de mise au point de 1,3m  je souffre d'élaborer des souvenirs dont je sais l'importance puisqu'ils seront les seuls témoins de ce qui est pour qu'il puisse un jour se remémorer ce qu'il a été. 
J'achète un réflex avec un 35/75 muni d'un mode macro
Dans la lumière du salon, dans l'exercice à l'époque pelliculaire de la photographie en « rafale » mais en mode manuel, je photographie Pierre qui s'endort. 
Quand je presse le déclencheur je ne vois pas ce que je photographie. Je l'imagine mais je ne le vois pas. En découvrant les images, je me rends compte que j'ai photographié une sorte d'invisible, la décontraction musculaire des orbites, des paupières qui descendent, la surprise de l'œil qui, révulsé, indique l'absence de liaison dans le sens logique, œil / « cerveau » .


1993-94

International College of Photography Art. Cahors.
Je fais avec les exercices, le cube du « zone système », les mannequins, les veloutés, les dégradés, les prises de vue longues, en studio, les idées, les questions; la fête, ses lendemains pâteux, fructueux, les frasques des délires s'enchevêtrent dans leur vécu matinal au manque de sommeil.
Je découvre à peine ce que je peux faire avec le procédé photographique.
Diplômé en photographie publicitaire.


1994

Je discute au téléphone avec Agnès De Gouvion Saint-Cyr, lui parle de mon projet de vivre comme photographe de ce qui est en élaborant l'inventaire des corporations, de leurs activités sur le territoire. Me répondant que les seules activités directement accessibles sont les inventaires des œuvres du passé monuments, peintures, immeubles et mobiliers pour des photographes titulaires d'un diplôme reconnu par l'Etat (et plouf), elle me conseille de prendre contact avec le Conseiller Régional aux Arts Plastiques.
Ce que je fais dans les minutes qui suivent.


1995

Obtention d'une bourse du FIACRE avec la DRAC Auvergne pour une étude autoportraitiste.