photographies sur toile de 50x60cm à 160x99cm, impressions numériques A4, video, son, installation

Le révélateur sera un bas relief du XIIème siècle rencontré dans l'église romane de Saint-Menoux en Bourbonnais à l'occasion d'une résidence photographique dans le cadre du projet d'éducation à la photographie "Ecritures de lumière". Le Christ, représenté en Majesté, a le visage effacé, à
coups de burin sans doute.
J'ai photographié la pierre pour garder le souvenir de ce moment en imaginant pouvoir mettre à la place le visage de tous les hommes, de toutes les femmes. Mais l'histoire en a décidé autrement. Après quelques passes de Photoshop pour décliner en trace photographique noir et blanc l'empreinte du
visage absent, voici qu'une fois de plus, dans le noir rouge du labo monte une image, posée sur les cales en bois. J'en ferai trois pour créer une sorte de flip book (ces livres dont on tourne les pages rapidement pour voir des images fixes s'animer) qui sera présenté en un triptyque fixe.

J'ai ensuite utilisé une peinture de Philippe de Champaigne, peintre baroque français du XVIIème siècle : le Christ mort. Je l'ai trouvée parfaite. Elle me faisait penser à cette iconographie que s'arracheraient les prétendants au World Press Photo Awards d'un héros mort. J'ai presque juste effacé sa tête pour laisser le corps d'un homme sans visage sur un triptyque dont les procédés que j'ai utilisés me laissent penser que dans le temps le reste de son corps va progressivement s'effacer.

À l'issue d'un travail d'enquêteur j'ai ensuite composé le choeur de ce travail. Les datations au carbone 14 du Suaire de Turin sont 1263-1283. Des théories veulent attribuer la réalisation de cette oeuvre à Léonard de Vinci pourtant né en 1452, prétextant ses capacités à mettre en oeuvre un tel ouvrage sur un tissu de l'époque des dernières croisades qu'il aurait acheté pour donner un aspect vieillot au Suaire. Certains pensent qu’il se serait représenté lui-même (le visage n'appartenant pas au corps).


Je voulais que règne autour de ces pièces une atmosphère de recueillement propice à la réflexion. Je me suis naturellement tourné vers la musique pour transposer dans un espace temps sonore ma mémoire photographique. J'ai alors découvert une interprétation de "Santa Maria" dont l'écriture est attribuée à Alphonse X dit le sage, roi de Castille au XIII siècle. Ce roi, né en 1252, ne brilla apparemment pas dans les affaires politiques mais il fut très intéressé par les arts et les sciences dont il eut un travail de collecte de ce qui exista avant lui, comme Léonard de Vinci le fit plus tard. Il est aussi et surtout « ultra » contemporain de la datation du Suaire. J'avais vu dans des reportages les juxtapositions superpositions de l'image du visage de Vinci avec le suaire. C'était bluffant. J'ai donc mis l'image d'une statue d’Alphonse X, photographiée à l'Alcazar de Jerez de la Frontera à Cadiz sur le suaire pour « vérifier » quelque chose d'extraordinaire puisque je n'y avais jamais pensé avant : c'est aussi bluffant.
J'ai donc situé mon interprétation de ce "Santa Maria" sous le satin blanc sur lequel repose une reproduction de ce qui est peut-être la première photographie puisque le procédé utilisé sur l'original de Turin n'est ni de la peinture, ni de l'empreinte, ni de la brûlure.